mardi 13 mai 2008

Wendo Kolosoy, une Afrique après l’Afrique et avant l’Afrique

Très beau film de Jacques Sarasin, qui sort en salles cette semaine : On the Rumba River, autour de la personnalité de Wendo Kolosoy, vénérable pionnier de la rumba (débuts en 1936 à l’âge de onze ans, qui nous a été rendu par d’exemplaires album chez Marabi). Images étourdissantes de force, d’énergie et de dureté captées sur le vif. Spectacle toujours étonnant de ce paysage de ruines urbaines perpétuellement rafistolées et perpétuellement délaissées.
La rumba est un objet plus que passionnant, pour un maniaque de mon espèce. L’Afrique et Cuba tout ensemble, les ressources des saxophones apprises dans le jazz américain et dans les fanfares belges, la première électricité dans les guitares… Il faudrait descendre loin dans l’histoire sociale et intime de Kinshasa pour vérifier s’il s’agit d’un temps de créolisation ou simplement de musique néo-traditionnelle. En tout cas, ce qui m’est le plus immédiatement familier dans cette histoire, c’est ce lingala dans lequel toutes les dates surgissent en français, cet emmêlement de langues et de valeurs, d’archaïsmes et d’emprunts parfaitement digérés qui sonne absolument comme outre-mer.
Mais, d’ailleurs, la rumba ne nait-elle pas du moment colonial, du frottement constant d’objets culturels rapprochés par une cohabitation déséquilibrée et polarisée (l’élément européen, ou tout au moins extérieur, plus « civilisé », s’imposant presque en proportion inverse de sa présence dans la population). Les discussions des musiciens sont presque aussi parlantes, de ce point de vue, que la musique elle-même, comme ce joli moment de cantique dans l’orchestre, franchement entre deux mondes. Une Afrique après l’Afrique de la tradition villageoise, une Afrique d’avant les indépendances et la quête de pureté réinventée.


PS. – Une remarque sans importance, mais quand même : il y a quelques années, ce film se serait intitulé Sur le fleuve Rumba. La capitale mondiale de la musique zaïroise se partageait entre Paris et Bruxelles, les financements étaient rares et difficiles mais permettaient à ce genre d’aventure d’exister sans agiter la sébile en globish.

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