vendredi 8 juin 2007

Paul McCartney : le concert « secret » de l’Electric Ballroom

* C’était donc à Londres, dans une salle que l’histoire a désertée depuis longtemps, l’Electric Ballroom, sorte d’Elysée Montmartre qui se passionnerait pour la bière. Là, Paul McCartney a donné son concert « secret » accompagnant la sortie de Memory Almost Full, son nouvel album. Secret ? Le lieu dévoilé au dernier moment aux seuls invités, 1000 personnes à peine.
Sur scène, le même groupe que pour la tournée américaine et une seule fantaisie, deux lampes « chimiques » des années 70 posées sur le flight case de l’ingénieur du son des retours. Un concert sublime, évidemment, et pas seulement parce que le type sur scène a été présent, à un moment ou un autre, dans la vie et la conscience d’à peu près tous les Occidentaux depuis quarante-cinq ans.
Allez hop, la setlist : 20 chansons en une heure et demi (de 21h40 à 22h10), dont cinq nouvelles (*).

Drive My Car
Only Mama Knows *
Dance Tonight *
C Moon
The Long And Winding Road
I’ll Follow The Sun
Calico Skies
That Was Me *
Blackbird
Here Today
Back in the USSR
Nod Your Head *
House of Wax *
I’ve Got a Feeling
Matchbox
Get Back
Hey Jude
Let It Be
Lady Madonna
I Saw Her Standing There

Des réticences ? On trouvera, si l’on veut être méchant, que The Long and Winding Road, après les grosses mains de Phil Spector, n’a pas mérité les gros bras d’Abraham Laboriel. Ou que le clavier est un peu indiscret, volontiers sans pudeur dans l’interprétation du solo de saxophone de Lady Madonna, des cordes d’Only Mama Knows, des cuivres de C Moon… Voilà.
Pour le reste, cet homme est un rocker énorme : la séquence I’ve Got a Feeling-Matchbox-Get Back va me rester longtemps en tête. Et Calico Skies est une magnifique chanson, entre chant de marin et mélodie élisabéthaine. Et le nouveau titre Nod Your Head fonctionne avec une charmante efficacité qui confirme que, comme au temps de Two Of Us ou Her Majesty, il est capable de développer de splendides objets musicaux dans de très modestes dimensions. Mais ne nous répétons pas : je parle aussi de ce concert dans Le Figaro de demain.

* Depuis combien d’années n’avais-je pas vécu un voyage de presse comme celui-ci ? La première classe et le bel hôtel, l’excellent restaurant d’après concert et la grosse délégation d’Universal, le convoi de monospaces avec chauffeur et les bracelets de plastique – rose avec autographe de McCartney pour le concert, vert pour l’open-bar exotique à la sortie du concert. Ces choses-là qui furent le quotidien de la promo il y a une quinzaine d’années, quand j’ai débuté dans ce secteur, avaient disparu avec la crise du disque. Et puis, là, le miracle du faste retrouvé, de la chaleur entre les gens de la maison de disques au restaurant, pendant notre repas tardif entre Français – et pas seulement à cause du pinot israélien servi avec les sushis, le saté frit et la cuisine thaïlando-british dans un curieux décor mi-Jean Nouvel, mi-Babylone (cela s’appelle le Gilgamesh Bar et c’est surprenant pour qui se souvient qu’on ne trouvait que des fish and chips et un KFC lors des virées d’achats de disques à Camden Market et Camden Lock).
Il est vrai que, pour Universal, le coup est splendide. Depuis les Beatles, McCartney était resté dans le giron d’EMI. Pour cet album, il a signé avec Hear Music, le label des cafés Starbucks, qui ne sont pas assez nombreux en France pour assurer décemment la sortie d’un album, à la différence des Etats-Unis. Il fallait un distributeur et the winner is Mercury, label d’Universal, dont le patron, Sébastien Saussez, m’assure qu’il ne fait « aucun profit » – enfin, rien de significatif par rapport aux albums des artistes sous contrat. Mais, en attendant, il est radieux de jubilation et mérite amplement de porter sa belle veste Galliano, avec dans le dos une couronne impériale de paillettes luisant sur le tissu noir.

* Calogero, qui est venu de Paris pour l’occasion, note que la légendaire basse Höfner de McCartney sonne beaucoup moins nettement que la basse Gibson du musicien qui le remplace quand il est au piano ou à la guitare. Parole de bassiste : « On ne distingue rien de ce qu’il joue avec l’Höfner, ça ronfle, mais c’est une basse tellement agréable à jouer, tellement légère. » Il ne rêve pas de parler à McCartney mais de jouer avec lui : « En plus, il est gaucher, je pourrais prendre ses guitares. » Lumière de gosse en plein fantasme dans les yeux d’un trentenaire déjà amplement servi en gloire. Combien sont-ils, les musiciens qui peuvent ainsi être le Jérusalem du pèlerin ?

* La guerre digitale est-elle officiellement perdue par les défenseurs du droit à l’image le plus étroit ? Dans un événement exclusif comme celle-ci, la demande est évidemment phénoménale et il est impensable d’entraver la circulation de l’image et des extraits sonores arrachés à la sauvette. On aurait demandé à Pierce Brosnan de laisser au vestiaire son téléphone qui peut enregistrer deux minutes de vidéo ? On aurait raccompagné vers la sortie Kate Moss si elle avait sorti un caméscope léger de son sac à main ? Et de manière générale, c’est difficile de regarder une scène aujourd’hui sans avoir dans le champ quelques bras levés avec des téléphones. L’escalade est peut-être dans la contre-attaque : à l’Electric Ballroom hier soir, une dizaine de caméras au moins pour le DVD, des extraits à BBC dès ce matin et sans doute une chanson sur internet bientôt (c’est ce qu’il a expliqué en demandant aux spectateurs de hocher la tête tous ensemble sur Nod Your Head). Corollaires : il va forcément poindre ici ou là l’idée que « voir » le concert sur écran sera plus riche qu’in vivo ; la place du disque dans le paysage et le désir des musiques peut se faire grignoter par un autre angle, mais les majors peuvent encore espérer maitriser cette évolution-là.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonsoir,

ça fait plaisir de lire un résumé de concert comme celui-ci , sans s'attarder comme certains de vos confrères sur le divorce de Paul McCartney au lieu de "parler" du nouvel album. Nous avons hâte de lire votre résumer dans le Figaro et ne manquerons pas de le retranscrire sur notre site MaccaBlog.com !

C'est bien qu'un journaliste Français d'un grand quotidien comme le votre ait été invité à assister à ce super concert de promotion de "memory almost full"

Cependant, mais c'est une autre histoire, je serais un plus circonspect à propos du patron de Mercury ( filiale d'Universal)car autant Universal Belgique, Universal Uk, universal japon.. ont mis sur pied de véritables plans promos ( ils ne sont également pourtant que distributeurs ) autant Universal France n'a rien fait du tout pour la promotion de "memory almost full" Alors porter fièrement sa veste "Galliano" c'est très bien, malheureusement quel que soit le classement de l'album dans les charts Français la semaine prochaine, Mercury n'y sera pas pour grand chose.