Pascal Comelade, un Catalan from London
A Tombouctou sans mariachis, Lumpen-Harmony, Le Fakir de la chapelle, L’Argot du bruit, September Song avec Robert Wyatt, Love Too Soon avec PJ Harvey : 25 titres, une heure pile. Une compilation de Pascal Comelade, Monofonicorama, best off (?) 2005-1992, sort dans deux semaines, indispensable visite à un des univers les plus riches et les plus attachants de la musique actuelle. Il y a là, à la fois, Kurt Weill, Frank Zappa, Moondog, Nino Rota, un Kraftwerk unplugged, un Ravel post-bruitiste…
Le disque sort chez Because. Pascal Comelade chez Because, ça ressemble à une vengeance, à une remontée du fond de la piscine, à un prêté pour un rendu. Après Manu Chao et les Rita Mitsouko, ce n’est pas le premier artiste ex-Virgin à refaire surface via le label d’Emmanuel de Buretel, ex-patron de Virgin. Mais ce n’est sans doute pas par là que Comelade se revanche le plus : le voici signé à Londres, lui à qui Paris a fini par tourner le dos.
J’avais craqué avec l’album Topographie anecdotique, puis révéré Danses et chants de Syldavie (apologie de la reprise individuelle), sardonique cérémonie de destruction de la mémoire populaire de la musique, de Honky Tonk Women à La Bella Ciao. J’avais été chaviré à son concert au Printemps de Bourges 1993. Un moment de prodige : des instruments-jouets dont il sortait une musique dérisoire et exigeante, ironique et sublime. J’étais avec Michel Orier, à l’époque patron de la Maison de la culture d’Amiens et de Label Bleu, mélange de l’arbitre des élégances et du guide en jubilation. Il m’avait fait remarquer que l’écrasante majorité des spectateurs portaient leur pass autour du cou – des professionnels, des professionnels, des professionnels, peut-être une poignée de « payants ».
Michel n’y aurait sans doute pas vu un présage, et moi non plus. Année après année, à la fois prolifique et ramassé, Comelade a sorti des albums étourdissants, majestueux, foudroyants. Des cinéastes, des documentaristes, des journalistes sportifs lui demandaient ou lui empruntaient de la musique, tantôt à la recherche d’un haïku postmoderne, tantôt en panne de Spike Jones. Petit public, conspiration nourrie de papiers tout en majuscules dans Télérama, Les Inrocks, Le Figaro… Petites ventes. Toutes petites ventes.
Et puis Yann Tiersen est arrivé : une autre musique, une tout autre musique, certes, mais de la musique instrumentale, des pianos-jouets, des instrumentations bizarres… La preuve que ce n’était pas la musique sans paroles qui faisait problème au public français. Un carton colossal, cumulant en un album plus que ce que Comelade avait atteint en une douzaine de disques. J’ai souvenir d’interviews un peu aigres, de phrases un peu amères quant à la France…
Virgin n’a pas renouvelé le contrat, Comelade s’est tourné vers la Catalogne d’outre-Pyrénées, où il a continué à enregistrer et à jouer. Je suis sûr qu’en fouillant dans Hommage à la Catalogne de George Orwell, on trouverait une explication – le vent fou et musqué, les têtes dures et libres, la mémoire féconde… Et voici donc qu’il nous revient, traversant la Manche plutôt que remontant par la N20. Le front grave et l’âme rieuse.
2 commentaires:
Oui mais Yann Tiersen n'est-il pas plus glamour?
merci de parler de Pascal Comelade, ça fait chaud au coeur.
besos
Carine C
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