mardi 11 décembre 2007

Led Zeppelin à l’O2 Arena : la musique quand même

Evidemment, un événement mondial, c’est toujours un peu nouille. Il y a la cuisine derrière. Je me souviendrai toujours d’un train spécial pour aller voir l’éclipse totale de soleil à Reims et du journaliste de TF1 qui hurlait aux garçons dans le wagon de première classe : « vous le servez le champagne, j’ai besoin de mes images ! » Donc, dans les deux press rooms, on n’avait pas de son sur les télés pendant la première partie. Et, alors, le journaliste devient nerveux, se ronge les ongles en disant « ils vont quand même tout réparer, non ? », se tourne vers son confrère allemand et lui dit « I’ve never seen such a mess, no ? », se dit que ça va être facile de faire une critique du concert sans le son. Et puis tout s’arrange. Son énorme, gros beau lyrisme, on comprend mieux.
On comprend mieux qu’il n’y ait pas que Joe Satriani et Eddie Vedder qui parle de Led Zeppelin. On comprend mieux la filiation avec Sonic Youth ou Tool, une sorte de fureur libertaire et terriblement musicienne. Tout à l’heure au O2 Arena, l’enjeu n’était pas seulement de hisser le drapeau et de raconter les pages déjà légendaires (enfin, tout ça y était, la guitare à deux manches de Jimmy Page, Robert Plant avec son harmonica ou ses tambourins), mais aussi de remplir les blancs pour ceux qui n’avaient pas vu, avant : la manière singulière de déstructurer le rock, de laisser la matière passer au-dessus du bord de la casserole. C’est au fond pourquoi on peut bastonner aussi fort qu’on veut derrière Patricia Kaas, ça ne sonnera jamais avec la même valeur, même s’il y a le même bruit (eh oui, il faut réécouter son dernier live, une sorte de furie dans la course aux armements).
Evidemment, je n’avais vu Led Zep qu’en vidéo. La différence avec ce soir ? Le mouvement, le décalage, le tremblement, le travers, le curieux langage modal de l’archet à la guitare qui émerge sous l’épate, un moment presque Bud Powell dans le fatras Liberace de John Paul Jones au piano (depuis, il y a eu plus cruel : The Edge au piano). Peut-être pas de quoi les absoudre de toutes les images de sports extrêmes sur lesquelles on pose Stairway to Heaven sur les chaînes du câble, mais de quoi les rétablir dans une certaine noblesse de musiciens – et pas seulement d’icônes seventies.

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