L’heureux adieu d’Henri Salvador
Jolie soirée d’adieux d’Henri Salvador, plutôt joyeuse et légère, hier soir au Palais des Congrès. Au-delà du miracle de la longévité, au-delà du miracle de ces années de seconde carrière depuis Chambre avec vue, il y a le charme immarcescible d’une esthétique diablement cohérente. La douceur du crooner, le swing du jazzman, les éclats de voix du chanteur de rhythm’n’blues, tout est sur la même ligne. Le Blues du dentiste, Dans mon île, Syracuse, les passions de musique d’un musicien dans sa pleine maturité dans les années 50, entre Sinatra, Basie et les souvenirs du Brésil.
Alors, il jette le masque avec une joie palpable, éclatante, presque hargneuse. Il attaque Ah c’qu’on est bien quand on est dans son bain et annonce : « Les Américains appellent ça la money music et j’en ai fait des tonnes ». Alors il continue le medley avec Le lion est mort ce soir (« Tu parles d’une connerie »), Le travail c’est la santé, Quand je monte chez toi (« Je vous ai saoulé avec cette chanson »), Zorro est arrivé (« Ça, ça fait manger, ça ! »). Le vieux professionnel se libère enfin, jette le masque à la dernière : il n’avait pas grand respect pour ces chansons-là.
Amuseur ? Bien sûr, il finira sur le sketch du gin. Mais il chante en premier rappel Avec le temps, qu’à une époque on lui aurait interdite s’il avait annoncé qu’il la voulait. Une version magnifique, avec une gravité immense et un rien de gouaille parigote. Une révélation, forcément, que cette capacité à aborder l’immense, à gravir l’Acropole, à bouffer des haubans. Sa carrière a si souvent dit le contraire…
Il y avait un peu de revanche chez Salvador en ce soir historique, un peu de confidences aussi, dans la manière de dresser un autoportrait qui lui ressemble absolument – comme on dit forcément la vérité à son dernier instant. Si cela doit être une conclusion, elle est touchante.
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