Sur les reprises (dans "Musique Info Hebdo")
On me demande pourquoi mes chroniques pour Musique Info Hebdo ne sont pas sur mon blog. Eh bien, pardi, parce qu'elles sont dans Musique Info Hebdo. C'est un excellent journal et il n'est pas compliqué de s'abonner. Mais c'est toujours plus simple d'aller sur une page internet que l'on connait que fouiller dans ses vieux Musique Info Hebdo. Donc je mets en ligne chaque semaine la chronique d'il y a deux semaines. Aujourd'hui, celle du n° 494 du 3 octobre 2008.
Des chansons en copropriété
Mars 2008 : le nouvel album d’Alain Bashung sort avec, notamment, Comme un Lego, longue chanson écrite par Gérard Manset. Mai : Maxime Le Forestier sort l’album Restons amants, dont le titre est aussi celui d’une chanson écrite avec Julien Clerc. Juillet : Carla Bruni sort sur son nouvel album la chanson Déranger les pierres, sur une mélodie de Julien Clerc. Septembre : Julien Clerc sort ses propres versions de Restons amants et de Déranger les pierres, Gérard Manset ouvre son propre disque avec sa version de Comme un Lego.
Echanges ? Retours ? Partages ? Copropriété ? Quand, en 1976, Julien Clerc écrit la musique d’Amis sur un texte de Maxime Le Forestier, la chanson ne parait que sur l’album de ce dernier, même si elle inaugure des décennies d’amitié professionnelle. Il est vrai que les mœurs de la chanson française ne sont plus, à l’époque, au partage, à la prodigalité, au potlatch. Car on se souvient que Charles Trenet laissa Roland Gerbeau enregistrer Douce France puis La Mer avant lui… Et que sa propre version de Y’a d’la joie a mis des décennies à s’imposer face à celle de Maurice Chevalier. Mais, dans les années 50-60, la génération des grands maîtres vit la fin de l’usage qui donnait plusieurs voix à une seule chanson. C’est Serge Gainsbourg essayant de faire entendre sa petite voix derrière Petula Clark en enregistrant sans succès Vilaines filles, mauvais garçons (avec La Javanaise en face B), Catherine Sauvage convaincue de mieux chanter Léo Ferré que Léo Ferré, un critique enjoignant Georges Brassens de ne pas s’obstiner à interpréter des chansons que Patachou défend mieux que lui…
Puis, au nom de la vérité du texte, de la sincérité du propos et de la délectation des droits d’auteur, les chansons deviennent peu à peu des propriétés exclusives, des lieux clos, des espaces que l’on n’imagine plus de partager – le règne des auteurs-compositeurs-interprètes. Seule dérogation, l’exercice de la reprise, cantonné dans les années 90 aux hommages, aux Enfoirés et à « Taratata ». Ces restrictions-là tiennent jusqu’à ces dernières années, pendant lesquelles on confond volontiers « chanson par Tartempion » et « chanson de Tartempion ».
Une nouvelle pratique s’impose aujourd’hui, qui partage entre Le Forestier et Clerc ou entre Bashung et Manset l’usage des chansons (ainsi que leur usufruit). On pourra y voir une autre conséquence de la crise du disque. C’est peut-être aussi, une fois encore, une nouvelle liberté. Ou plutôt, au vu du climat idéologique, un nouveau libéralisme.
3 commentaires:
Tant qu'à utiliser un mot inutilement compliqué (potlatch), pourquoi ne pas l'orthographier correctement? :o)
Tiens j'aimerais connaitre votre avis sur le fait de recycler du "vieux" ou presque pour en faire du "neuf".
C'est à dire le CD de duos que Salvatore Adamo va sortir le 10/11 avec des interprètes en majorité "de la nouvelle scène française" ou présentée comme telle.
Hommage sincère à un artiste reconnu internationalement, geste désespéré d'une multinationale qui cherche à sauver quelques meubles et souhaitons le aussi des emplois.
A moins que la raison en soit toute autre.
Heello nice blog
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