samedi 4 octobre 2008

Sur Thomas Fersen (dans "Musique Info Hebdo")

Je me fais engueuler depuis quelques semaines: pourquoi mes chroniques pour Musique Info Hebdo ne sont-elles pas sur mon blog? Eh bien, pardi, parce qu'elles sont dans Musique Info Hebdo. C'est un excellent journal et il n'est pas compliqué de s'abonner. En même temps, c'est toujours plus simple d'aller sur une page internet que l'on connait que fouiller dans ses vieux Musique Info Hebdo. Donc je mets en ligne chaque semaine la chronique d'il y a deux semaines. Aujourd'hui, celle du n° 492 du 19 septembre 2008.

Thomas Fersen et le mythe du chanteur

On connait l’histoire d’Yves Montand qui refuse à Charles Aznavour sa chanson Je m’voyais déjà, au prétexte que « les chansons de métier, ça ne marche jamais ». Créée à l’Alhambra en décembre 1960, symbole du triomphe qui installe définitivement Aznavour dans les sommets de la chanson française tout en tendant le miroir à tout le show biz – « Je m'voyais déjà en haut de l'affiche/En dix fois plus gros que n'importe qui mon nom s'étalait ». Souvent, depuis les années 60, les chanteurs ont ensuite raconté les affres de la chanson qui se refuse (Ma douzième et Une chanson me manquait d’Anne Sylvestre, Pourquoi d’abord ? de Renaud, Chanson ouverte à mon directeur artistique de Pierre Barouh…) et même, parfois, la vie de tournée (Demain le monde de Patrick Bruel, Dans un camion de Dominique A, Six jours sur la route de Claude François).
Il a beaucoup été écrit que le personnage principal de Trois petits tours, le nouvel album de Thomas Fersen, est sa valise Germaine. Un certain nombre de personnages secondaires gravitent autour d’elle : un douanier et son caniche renifleur, un ukulélé dans son étui, quelques musiciens, un poulet dans une cage à poulet…
Encore une fois avec lui, il s’agit de ré-enchanter le monde, de le séparer de son implacable réalité tangible. Il est parent des réalistes poétiques qui firent dans les années 30 un cinéma français immortel, d’un Robert Doisneau arrachant la splendeur aux rues les plus banales, d’un Nino Rota fabriquant ses éternelles bandes originales sur des débris de mélodies de cirque et des souvenirs disjoints de kiosque à musique du dimanche. Et il raconte drôlement le lot commun de la tournée : le sommeil dans le train avec la tête sur la valise, l’odeur du linge sale, les soupçons systématiques de la Douane qui cherche toujours « la boulette de chmilou » dans les bagages des musiciens, l’engourdissement des voyages en avion…
Au passage, cela révèle beaucoup du rapport au réel de Fersen, beaucoup sur la collision qu’il pratique entre petits faits vrais (il y a vraiment à l’aéroport de Montréal un caniche qui renifle les bagages suspects, comme dans sa chanson Chocolat) et notations nostalgiques fantasmées (le radiocassette…). Et cela nous rappelle combien, génération après génération, le métier de la chanson a fini par devenir un objet familier de la chanson. Et, peu à peu, le chanteur se fait personnage mythique, dérisoire et familier, comme jadis le maçon sur son mur et le poinçonneur de la station des Lilas.

1 commentaire:

Joelle a dit…

c'est gentil de le mettre là ...parce qu'autrement je ne l'aurai pas trouvé ( oups...)
à+