Jean-Louis Murat, l’imprécateur radieux
Rencontre ce matin avec Jean-Louis Murat, pour son album Charles et Léo (compositions de Ferré sur des poèmes de Baudelaire, magnifique). Toujours sa thèse imprécatoire du monde qui vit ses derniers temps, de l’époque qui s’achève, de la culture qui s’éteint. « La seule chose qui tient, c’est la bibliothèque. Pourvu qu’il n’y ait pas le feu à Alexandrie. »
Il déplore la « chanson de gens qui n’ont pas de culture générale », l’invasion du paysage par des « nigauds bac + 15 qui savent à peine lire et écrire ». Un jeu assez réjouissant de déploration et de férocité. « Ça pue, ça va péter. »
Cela fait quelques années qu’il ne recule pas devant l’image de lettré : on entend Empédocle dans Taormina, il chante Béranger, il exhume Mme Deshoulières… Il prêche volontiers pour l’idée de « l’honnête homme qui fait de la chanson », qui le lie à Brassens ou Ferré. Son regard est joliment rude, virulent, sérieux. Ce n’est pas seulement une jubilation de la bile, une pose de méchant au fond de la classe : il a quelque chose du Baudelaire hargneux, farouchement réactionnaire dans la posture critique. Il y trouve sans doute une délectation vaguement misanthrope et narcissique, mais surtout, je crois, une liberté d’approche de son travail qui ne le contraint à aucune forme et, au contraire, lui ouvre mille chemins d’audace. Le danger ? Qu’un jour, à force d’agacement devant le reflux de l’ancien pacte des savoirs et des beautés, il ait envie de l’Académie française. Si ça se trouve, quand il sera candidat, j’aurai déjà deux ou trois copains quai Conti.
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