Le sain Béranger d’Arnaud Marzorati
Tout à l’heure à l’heure du déjeuner dans une petite salle à l’Opéra Comique, le baryton Arnaud Marzorati chantait Pierre-Jean Béranger. Une vision un peu savante, un peu bocal, un peu marbre et stuc, mais une saine approche, me semble-t-il, de ce qui se joue dans ces chansons vieilles de bientôt deux siècles : le sens de la bouffonnerie, de la colère, de la déraison. Avec un piano et un harmonium, les chansons s’éloignent du récital et se rapprochent d’une sorte de simplicité par l’ampleur.
On rit beaucoup du pape qui se fait mahométan pour ne pas être empalé, de tout le théâtre du Diable est mort, du ton de Mon enterrement qui fait penser aux Rapaces de Barbara. Moderne ? Evidemment : la mélodie de Ce n’est plus Lisette fait penser à Michel Delpech, à sa gravité parée de couleurs claires, comme une continuité souterraine entre la Clé du Caveau et notre sens du romanesque ou de la mélancolie. L’interprétation comme ces constats de parenté renvoient à bien des questions contemporaines : le voyage dans le temps de jeunes artistes pop à la rencontre de l’école de la mélodie française du XIXe siècle, le foudroyant album 1829 de Jean-Louis Murat sur des textes de Béranger. On a un peu parlé de ça lors de nos entretiens, avec Claude Duneton et Serge Hureau notamment, pour le site du Hall de la Chanson : comment chanter aujourd’hui ce qui fut l’alpha et l’oméga du XIXe populaire ? comment entrer dans l’émotion de ces chansons sans errer dans la reconstitution historique ni échouer dans l’erreur chromatique ? Marzorati a une belle proposition. Un peu savante, encore, mais sainement débarrassée de l’académisme vocal.
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