Camille, Britten et le bonheur
Conversation, hier, avec Camille. Elle prépare ses concerts à Saint-Eustache, avec le Ceremony of Carols de Britten. Toujours aussi précise et diserte sur son art, toujours aussi riche dans ses propos et – pourrait-on dire – dans ses soucis : fabriquer une forme neuve, toujours, aborder la musique par des lieux qui ne sont pas nécessairement les plus fréquentés, se fabriquer en même temps que l’on fabrique. Elle parle de Britten en disant d’abord ses simplicités : le timbre des voix d’enfants, la ligne mélodique, l’intention lisible. Est-ce vraiment un contraste avec la féroce liberté des contraintes qu’elle s’impose : une guitare plutôt qu’une harpe, des voix timbrées venues d’autres cultures à la place du chœur de jeunes garçons ?
J’aime cette manière d’interroger la musique plutôt que de jeter des certitudes sur la partition. C’est la méthode du Fil, évidemment, mais surtout celle d’une artiste dont l’audace ne craint pas un monument de la musique savante du XXe siècle. Elle dévide aussi le répertoire de chants sacrés qu’elle chantera dans l’église, elle l’incroyante – chrétien, soufi, shintoïste, bouddhiste, juif, hindouiste… Candeur et gros estomac, courage et cinglerie, outrageante confiance en soi et quête opiniâtre. Il y a chez elle la singulière manière de ne pas se simplifier la vie d’un Frank Zappa, l’envie de Damon Albarn de n’être pas autre chose qu’une liberté, et puis tout un björkisme dont le maniérisme éventuel est tempéré par l’ampleur des risques.
Et, là-dessus, elle affirme n’avoir pas voulu autre chose qu’une parenthèse, qu’un pas de côté dans la préparation de son prochain disque, reconnaissant qu’évidemment la parenthèse a fini par prendre presque autant de place et de temps que la proposition principale. Fatalité du side project à une époque où l’unplugged ou le duo font parie du travail « ordinaire » ? Ou la bride laissée sur le cou aux créateurs, même s’ils transgressent les frontières qui, çà et là, résistent encore au bel aujourd’hui des musiques populaires. J’aime bien cette époque dans laquelle Camille est heureuse.
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