Jean Corti, un aîné dans la jeunesse
Concert de Jean Corti hier soir au Bataclan, avec toute une famille autour de lui. L’évidence de Ma p’tite chanson, jadis Bourvil, joué avec Loïc Lantoine, de l’implacable émotion de Trois petites notes de musique en duo avec Marc Perrone, le public fredonnant tout haut la mélodie de Georges Delerue, de L’Aigle noir de Barbara joué en solo avec toutes les filles de la salle à pleine voix… Vient Olivia Ruiz, qui enquille L’Accordéoniste, Où sont-ils et La Foule, un répertoire déjà classique quand Corti n’avait pas vingt ans – il en a soixante-dix-huit. Ça suit, évidemment, comme une vibration fraternelle et complice, comme si c’était déjà les rappels et l’instant du partage le plus familier. Alors les gamins du parterre rigolent comme des copains de classe quand Christian Olivier s’emmêle dans les paroles de La Javanaise – tout cela, c’est le répertoire au biberon, le socle, le tremplin de tout le reste de l’amour de la chanson.
Christian avoue bien des choses dans les titres joués par Têtes Raides avec Corti : il n’y a pas de rupture, il existe une continuité avec l’accordéoniste de Nanterre passé par Brel. Et cette continuité n’est pas la nationalité et un vague substrat culturel, mais une communauté de formes, d’intentions, de couleur. Gino et Les Vieux, c’est le même bain. D’ailleurs, ils reprennent la valse de Corti dans sa version ralentie avec les paroles de Brel (« La pendule au salon, qui dit oui, qui dit non », un modèle humaniste) puis la lâchent dans sa course originelle, à l’origine écrite pour danser. On y entend une autre humeur, évidemment, mais aussi ce que Brel y a trouvé pour écrire Les Vieux : la mécanique impeccable d’une mélodie ricanante, une joie de carnaval goldonien, quelque chose de James Ensor.
Joie aussi de retrouver Allain Leprest après sa maladie. Une chanson. Et il revient, quelques mots à l’oreille de Corti. Il dit Mec, texte de fraternité et de force, d’amour viril et de douceur musquée, pendant que Corti improvise – un moment très fort, très fervent. Céleste.
Une soirée qui parle de jeunesse, de ce que l’on peut croire les figures éternelles de la jeunesse. Comme le printemps est toujours printemps chez Doisneau, il y a une légèreté éternelle dans le son du chromatique, comme un soleil à travers les feuilles. C’est cela que les gamins aimaient, je crois, hier au Bataclan.
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