lundi 16 juillet 2007

Comme son nom l’indique, Aimable

A l’Intermarché de Pénestin (Morbihan), on trouve des disques aux caisses. Compilations toutes simples, destinées clairement aux vacanciers de saison, entre camping et barbecue. Donc, je cède pour une curiosité : La Fête au musette par Aimable. Une compilation Vogue-BMG de 1992, 4,99 euros. Il se trouve que j’ai écrit déjà sur Yvette Horner, comme tous les bobos de ma génération (l’effet Jean Paul Gautier), que j’ai interviewé André Verchuren… mais ne me suis jamais vraiment arrêté à Aimable, le troisième des géants qui incarnent à la fois grandeur et décadence de l’accordéon musette (enfin si, j’ai déjà écrit sur lui : sa nécrologie, en 1997, dans l’urgence, avec un bon dossier d’archives de presse et quelques souvenirs de dimanche après-midi à la radio). La pochette annonce « 20 succès ». Il y en a plus : Reine de musette et Aubade d’oiseaux (deux valses), Perles de cristal et Les Triolets (deux polkas), La Fête du taureau et El Gato Montes (deux paso doble) sont réunis sur les mêmes plages.
En fait, rien ne surprend jamais dans cette musique que l’on n’a pourtant pas l’impression de fréquenter, encore moins de rechercher. Tout est conforme, droit et prévisible dans cette perpétuelle montée vers les sons les plus flûtés, les plus entêtants de l’accordéon (ce registre que, selon Marcel Azzola, on appelle « le registre du commerce »), dans ce traitement toujours mécanique de la mélodie, des harmoniques et de l’accompagnement. D’ailleurs, si on a des surprises, c’est une guitare électrique, un son de synthétiseur, un vibraphone, une batterie qui imite les percussions d’un limonaire – une grammaire de l’accompagnement qui ne joue jamais de l’ellipse ou de l’allusion, mais toujours du plus brutal premier degré. Et quelques beaux thèmes pourraient sembler salement amochés, comme Le Dénicheur (Léo Danirdeff) ou Indifférence (Tony Murena et Joseph Colombo), s’il n’y avait une sorte d’innocuité affirmée, d’innocence revendiquée. Car cette musique de danse surjoue absolument tous les codes de la musique de danse, tous les marqueurs de la musique de danse, toutes les couleurs et tous les apparats de la musique de danse. On peut trouver que ce n’est pas une excuse, mais c’est ce qui explique que, finalement, on trouve à Aimable le même charme sans apprêt (j’allais écrire : sans intelligence) que dans certaines compilations de vallenato, de tango ou de country & western. Une sorte d’amabilité très littérale, peut-être très cynique mais perpétuellement souriante. Et ce sourire-là dépasse de loin l’accordéon : c’est celui des majorettes et des fanfares, des vins d’honneurs et des bals des pompiers – la culture d’une certaine France, que l’on trouve à 4,99 euros à la caisse d’un Intermarché, et qui partout ailleurs finit par refluer. J’ai l’impression qu’avant que je sois vieux on aura trouvé à Aimable des raisons de le réécouter.

Aucun commentaire: