mercredi 4 juillet 2007

Theo Hakola, une certaine délectation réactionnaire

Je ne sais pas toujours comment aborder un certain rock quinquagénaire. D’ailleurs pas forcément quinquagénaire, parfois quadragénaire comme celui de Laetitia Shériff, pendant le concert de laquelle j’écris, à Rennes (un concert de rock jeune public aux Tombées de la nuit, Iggy Pop serait surpris !). Je ne sais pas toujours si certaines de ses énergies sont rebelles ou réactionnaires, vintage ou rassies. Exemple avec Drunk Women and Sexual Water, le nouvel album de Theo Hakola. J’avais beaucoup aimé le retrouver en scène l’été dernier (ah ben tiens, lui aussi dans un festival public et l’après-midi, pendant Paris Quartier d’été). Quelque chose d’alerte et dru, mais qui assume volontiers son innocuité actuelle : dans Orchestre Rouge ou Passion Fodder, il pouvait se sentir sur la ligne de front ; il n’est pas loin aujourd’hui de la marge la plus précaire de la musique.
Sur son nouvel album, une chanson en français qui résonne curieusement, O tendre jeunesse. Un aîné, de la génération rebelle, s’adresse à ses cadets qui se donnent aux fausses valeurs du commerce. « Laissez-nous vous vendre nos t-shirts pourris/Laissez-nous vous prendre pour de gros abrutis/Qui font pour nous de la réclame en portant nos produits/Qui nous paient pour faire la publicité qui nous a tant réussi/N'importe quelle crotte qui porte la marque, qui porte la marque qui brille/Achetez-la ô tendre jeunesse, faites monter nos profits/Faites-vous respecter ainsi par d'autres abrutis/Dépensez, ô tendre jeunesse, dépensez toutes vos vies ».
Sur le fond, je suis bien d’accord avec ce constat-là, et même avec son ton (après tout, j’élève des ados). Mais je ne peux que me questionner sur la posture, sur cette manière de jauger une génération à l’aune de la sienne, sur cette façon de découper le monde. N’est-ce pas un peu la même chose, après tout, que ce que Philippe Clay chantait, et qui devait bien agacer Theo Hakola (s’il l’a entendu alors) :
« Mes universités/C'était pas Jussieu, c'était pas Censier, c'était pas Nanterre/Mes universités/C'était le pavé, le pavé d'Paris, le Paris d'la guerre/On parlait peu d'marxisme/Encore moins d'maoïsme/Le seul système, c'était le système D/D comme débrouille-toi/D comme démerde-toi/Pour trouver d'quoi/Bouffer et t'réchauffer ».
Bon. Personnellement, j’aime beaucoup mai 68 et beaucoup Mes universités. J’aime beaucoup Youtube et beaucoup O tendre jeunesse. Je crois que c’est pour cela que quelques-uns de mes copains disent que je suis centriste, ou que je n’ai pas beaucoup de personnalité. Mais il reste que personne ne me dira qu’il n’y a pas quelque plaisir à surprendre un ex-punk dans un prurit réactionnaire. C’est d’ailleurs la seule situation dans laquelle le conservatisme est délectable.

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