mercredi 26 septembre 2007

Jean-Louis Murat, imprécateur derechef (sur la gratuité)

J’évoquais l’autre jour une entrevue délicieuse d’acidité avec Jean-Louis Murat. J’y reviens parce qu’il avait évoqué un problème qui me trotte dans la tête depuis un moment, et sur lequel je suis convaincu qu’il a un bon flair.
Donc, Murat m’annonce qu’il ne va plus tourner pendant quelques années au moins. Pourquoi, lui demandé-je en journaliste consciencieux ?
« J’anticipe. J’ai d’assez bonnes intuitions en général et je sens que l’offre dépasse la demande et qu’on va à la catastrophe. J’ai fait une quinzaine de festivals cet été, la moitié étaient gratuits. On ne peut pas continuer à jouer, par exemple, à Rouen devant 10000 personnes et revenir trois mois plus tard avec la place à 20 € leur faire ses petites chansons. »
Il évoque aussi la réponse différente de ce public-là, ce qui est en soi un excellent problème à se poser quand on est tourneur ou responsable culturel. Mais le principal reste cette échelle des valeurs sans hiérarchie lisible. Je suis convaincu, par exemple, que le disque classique a commencé à mourir (en tant qu’industrie) quand on a commencé à pouvoir acheter neuf symphonies de Beethoven avec la Philharmonie de Berlin dirigée par Karajan pour le prix de deux pauvres symphonies dirigées par un gandin de trente ans avec un orchestre provincial. De même, quand on offre un gros plateau gratuit, on dévalorise forcément l’offre habituelle, à moins que l’événement soit totalement hors normes – Polnareff à la Tour Eiffel, la Messe de minuit, le défilé de Goude en 1989, la vie donnée à des lieux singuliers au festival Bancs publics en Franche-Comté… Mais instaurer une gratuité régulière (donc un droit acquis, puisque nous sommes en France), c’est forcément réduire la valeur implicite du spectacle.
Que cela conduise à une catastrophe, je n’en suis pas convaincu. Murat exagère sans doute. Mais je n’aurais pas cru non plus à une diminution de moitié du marché du disque…

8 commentaires:

Unknown a dit…

Il faut aussi parler des conditions de spectacles. Car si c'est gratuit, il y a 10.000 personnes debouts, et à mon age cela devient dur !
Lorsque les places sont à 100 ou 150 euros pour être dans un hangar, à 100m de l'artiste, est-ce également sérieux.
Laissons le gratuit à ceux qui n'importe comment vont voir un artiste parce que c'est "gratos" comme ils disent, et produisons des spectacles payants, à dimension humaines. Le prix des places redevenant alots justifié.
A l'écoute de ses disques, je ne suis pas sur que jean-Louis Murat est besoin d'être "écouté" par 10000 personnes en même temps.

Unknown a dit…

Il faut aussi parler des conditions de spectacles. Car si c'est gratuit, il y a 10.000 personnes debouts, et à mon age cela devient dur !
Lorsque les places sont à 100 ou 150 euros pour être dans un hangar, à 100m de l'artiste, est-ce également sérieux.
Laissons le gratuit à ceux qui n'importe comment vont voir un artiste parce que c'est "gratos" comme ils disent, et produisons des spectacles payants, à dimension humaines. Le prix des places redevenant alots justifié.
A l'écoute de ses disques, je ne suis pas sur que jean-Louis Murat est besoin d'être "écouté" par 10000 personnes en même temps.

Anonyme a dit…

bien vu Jean Louis! De la même manière le disque a été déprécié. Un jour à 18 euros, le même jour de sa sortie à 9,99 sur Itunes, 6 mois plus tard à 23 euros et pendant l'été à midle price. La crise du disque n'existe pas, ou plus exactement elle a été voulue par les maisons de disques elle même.
Si c'est pareil avec le spectacle vivant on est foutu! La culture bordel! ça se paye!

sy! a dit…

On pourrait aussi parler des DVD offert avec les hebdos télé, ou quand un film devient un bonus...

Nur Ka a dit…

je suis pas aussi politique et commerciale que murat sur ce sujet ! je l'aime bien mais là penser à la conjoncture pour ne pas faire de tournée c'est son choix!!! ça me rappelle cette femme qui sous prétexte qu'elle peut pas y porter le voile va pas à l'école; après s'être punie elle même elle peut effectivement devenir une victime de "choix" (de 1ère catégorie); je suis naïve et je crois que quand on veut faire de la musique et tourner on tourne! on peut pas pleurer parce que l'industrie de la musique crève alors que c'est elle aussi qui permet aux artistes de vivre de cette activité! je suis pas persuadée que tous les artistes devraient vivre de leur art (comme tous les plombiers ne vivent pas de la plomberie)! d'ailleurs si murat veut faire comme Hugo ou Dumas, à lui de voir : produire de la musique comme des petits pains pour vivre... Beaucoup d'artistes ne vivent pas de leur art et beaucoup sont très bons. Je crois que murat se fait vieux. Il veut plus jouer pour pas cher, ça je peux le comprendre mais qu'il vienne pas parler de l'industrie de l'offre et de la demande... pourquoi collectionner des cd, dvd, etc. quand on peut pas assister à des concerts live!!!! c'est tellement mieux, et puis les artistes pourquoi seraient ils mieux lotis que les autres ? à chacun sa pitance quoi.

Anonyme a dit…

10 000 personnes à Rouen ? VRAI-MENT ? (rires...) j'y étais.
Dites à Jean-Louis que je m'en fous. Qu'il revienne dans 3 mois, à 20 ou 30 euros, j'y serai.
Clin d'oeil.

Mathieu JULIEN a dit…

Sorry les gars, mais il a raison. Je suis un amateur de Murat, sa musique se savoure (fan c'est trop con, non ?). Le principal problème c'est que les personnes qui se disent amateurs de musique, les cultureux qui lisent voient des films connaissent tout de la culture-branchouille-faussement-alternative sont les premiers à downloader à outrance. En fait chez nous c'est péché (haram) de gagner sa vie, surtout pour les artistes.
Donc à force on aura 2 types de concerts :
- le concert-professionnel (il en faut pourtant) financé par l'administration, reproduisant à l'indentique ce qu'on a à la TV,
- le concert-amateur (que j'adore quand même) payé par les bières au bar avec des musiciens quasi bénévoles qui bossent au macdo la semaine, sont à la fac...
Pour avoir des concerts professionnels indépendants, aïe, ce sera difficile... Y restera Nagui à la télé ?
Jean-Louis a raison. On n'y peut rien c'est un phénomène de société.
Mais attention, les trucs gratuits cela n'existe pas. On les paye à un moment ou l'autre !
Bravo JLM !

Anonyme a dit…

Ce qui n'est pas donner est perdu, c'est qu'il garde sera foutu...dommage...
pourtant je paye ses disques et ses concerts