mercredi 16 janvier 2008

Alain Resnais dévoilé par ses BO

Les bienfaits de la collection « Ecoutez le cinéma » que dirige Stéphane Lerouge chez Universal sont décidemment infinis. Avec l’album Alain Resnais, portrait musical, il réussit une éblouissante démonstration de critique transgenre. A l’écoute d’extraits de bandes originales étalées d’Hiroshima mon amour (1959) à Cœurs (2006), on saisit non seulement l’écheveau des goûts musicaux du réalisateur, mais aussi le fil qui court d’un bout à l’autre de son œuvre strictement cinématographique. Car, ce ne sont jamais de fortes certitudes à la Lalo Schifrin ou à la John Barry que l’on entend : une valse déréglée de Georges Delerue pour Hiroshima, un choral de Krzysztof Penderecki réverbéré sous un ciel d’hiver pour Je t’aime je t’aime, le Trio des musiciens de Philippe-Gérard avec ses timbres dérangeants pour La Vie est un roman… Sa musique, ce sont des figures suspendues, des couleurs aquarellées, des ovales et des trapèzes plus que des ronds et des carrés, toute une grammaire de précautions et de rêveries, comme si une matière à peine visible flottait au-dessus du réel. Parfois, pourtant, un thème impérieux, presque inquiétant : les Valse et marche médusées d’On connait la chanson (d’ailleurs, Bruno Fontaine n’y est pas cousin d’Erik Satie uniquement par le titre). Mais c’est sans doute, aussi, un des films de Resnais au propos le plus tranché, le plus évident.
Le credo de Resnais est clair : « la musique remplace l’émotion d’une scène ». Posture rarissime au cinéma que de demander à la musique de remplacer le discours. Et c’est peut-être cela qui donne le sentiment d’entendre des questions quand on écoute à la suite tous ces extraits de BO, pourtant d’une diversité étonnante (quatorze films, quatorze compositeurs). Comme son cinéma – plus, même – la musique chez Resnais interroge, ne décrète de rien, ne clôt jamais la discussion. Aucune des compilations monographiques de réalisateurs parues dans cette collection ne fait cette impression : une musique qui fait comprendre non ce que raconte le film, mais le sentiment d’incomplétude et d’intense émotion que l’on ressent en le voyant.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mais la musique de Lalo Schifrin n'est pas toujours remplie de "certitudes" loin s'en faut !, il suffit d'écouter par exemple "La peau" ou "Les proies" pour se convaincre du contraire... Quant à John Barry, il est peut être un peu moins passionnant mais des scores comme "The chase" sont loin d'être dénués d'ambiguïtés non plus.

Sinon je confirme, ce CD (ahh, Penderecki et Henze) est l'un des plus réussis de toute la collection de Stéphane Lerouge et de très très loin...