vendredi 22 juin 2007

En Créolie (I) : groupe d’hôtel et hypertango

On n’échappe pas, lorsque l’on est à l’hôtel en Guadeloupe, au groupe d’hôtel. Hier soir, donc, petit steel band avec batterie pour le dîner. Répertoire évidemment prévisible : Célimène, Shame and Scandal in the Family, Rum and Coca Cola, Ban mwen on ti bo (titre rédimé, évidemment, par sa reprise par Jocelyne Béroard sur l’album de Kali), La Ri Zabym… Petite remarque au passage : lorsqu’ils jouent Le plus beau de tous les tangos du monde ou Adios Muchachos, ces musiciens trouvent curieusement une vérité (s’il existe une vérité en musique, évidemment, ou plutôt une possible expression vraie) beaucoup plus franche que lorsqu’ils reprennent Le Douanier Rousseau de la Compagnie Créole ou La Chenille de la Bande à Basile. Là, ils sont dans un usage des musiques très foncièrement créole : le sentimentalisme du quart d’heure de charme de jadis, qui joue de l’appui emphatique sur les valeurs les plus archétypales d’une musique. Une sorte d’hypertango qui ravirait Barthes, évidemment (et l’Umberto Eco de La Guerre du faux saisi par les reproductions de la Cène dans les musées américains), et qui répète avec passion tout ce qui fait le tango, du langoureux de la mélodie à la pamoison outrée des articulations rythmiques, du vibrato des notes longues à la suggestion du chant dans des ostinatos serrés dans l’aigu. Et cette reconstruction d’un tango factice parce que rêvé, finit par sonner avec plus de sincérité que le radotage servile des standards de la musique antillaise. C’est le jeu de faux-semblants, d’emprunts et de projections de soi qui fait notamment le charme immense du bal gwan moun et de la passion antillaise pour le boléro.
Mais c’est aussi l’espace du steel band, après tout. Quand en 1946 Winston Spree Simon joue sur un steelpan, devant le gouverneur de Trinidad et les corps constitués, un prélude de Bach et God Save The Queen, c’est évidemment la victoire d’une culture populaire faisant incursion dans un domaine savant, mais aussi le prélude à tous les Docteur Jivago et Love Story joués par les steel bands d’hôtel. Une aventure magnifique et sordide, d’une puissance et d’une candeur égales. Je ne dis pas non plus que c’est de bon goût, évidemment.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

salut Bertrand,
mon nom est Jean-Paul Audebert et celà fait quelques temps que je suis ta carrière. On était en classe ensemble il y a quelques siècles et je me rappele encore quelques fou rire entre la brindille à cheveux long que tu étais et le rondouillard à lunette. On a bien rigolé ... aleez c'était juste un coucou et je repars dans l'ombre !!! en toute amitié JP (0690352585)