jeudi 19 juillet 2007

« Atomic » de Blondie, un hymne collabo ?

Puisqu’est ressorti Eat to the Beat et tous ses clips sur un DVD, je me laisse aller au plaisir gamin de retrouvailles forcément un peu condescendantes avec Blondie, ses clips un peu cheap, son esthétique visuelle anguleuse et sexy, son accord un peu mécanique avec son époque. Et puis voici une petite merveille limite kitsch, le clip d’Atomic. Debbie Harry avec une gestuelle saccadée (le prétendu « robotique » qui a bien encombré les années 80), un danseur casqué comme plus tard les Daft Punk, des figurants en combinaisons futuristes, des musiciens qui prennent des regards de cyborg quand la caméra les fixe, des images de champignon atomique…
On se sent un peu mal à l’aise, forcément (et d’autant plus que le texte ne veut strictement rien dire). C’est un peu comme Torrey Canyon de Gainsbourg en 1967, qui se laisse hypnotiser par le progrès, la puissance technique, l’ampleur du jeu capitaliste, et finit par célébrer la marée noire en prétendant en être horrifié. Il y a quelque chose d’incommodant dans l’entrain à chanter un certain air du temps, quand cet air est aussi vicié... Non que Blondie ait été responsable de Tchernobyl, mais endosser cette imagerie, cette mythologie, cet ensemble de signes, c’est se placer d’un certain côté, qu’on le veuille ou non – un côté assurément déplaisant. Je ne réclame pas partout et toujours la démarche de Kraftwerk, qui a corrigé Radioactivity en Stop Radioactivity, mais tout le sous-texte du clip est l’écriture sans distance d’un futur extrapolé du présent, à partir d’images, de textures, de gestes qui le lient à une certaine conjoncture immédiate. Ce clip n’est pas à proprement parler de l’anticipation, mais un tri du présent en fonction de certaines conformités à un avenir désiré, et dont la cohérence sous-entend d’endosser une certaine réalité. Oui, à l’époque, Atomic est plus raccord avec l’envolée de la Bourse qu’avec les ouvriers de la sidérurgie qui veulent sauver leurs emplois ; oui, Atomic va plus à la rencontre de toutes les thèses modernistes et productivistes qu’aux appels à la prudence écologique du Club de Rome ; oui, Atomic est plus du côté de Valéry Giscard d’Estaing que d’Huguette Bouchardeau. C’est bêta, mais c’est comme ça : Atomic appartient tout entier à l’appareil de justification culturelle et idéologique d’une économie industrielle destructrice du bien commun.
Il faudrait d’ailleurs, de manière générale, jouer à retrouver le lignage de la chanson et de la pop qui accompagnent ou protègent l’ordre établi. On se ferait des surprises. D’ailleurs, Atomic a été utilisé pour une publicité de Coca Cola. Je sais, ça ne veut rien dire. Mais quand même…

2 commentaires:

cc a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
cc a dit…

Blondie, la blonde platinée de mon adolescence, chantait "Denis" l'année du bac, enfin le mien. Et lançait cette mode très appréciée de susurrer quelques mots de français limite compréhensibles mais qui stimulaient notre fierté nationale.
A mi-chemin entre une Marylin baby doll égarée dans un studio d'enregistrement et une Sylvie Vartan en plus blonde et en plus édulcorée encore, Debbie Harry me fascinait avec sa taille de guêpe et sa coiffure improbable de poupée barbie d'avant-l'heure.
C'est grave, docteur ?
J'adorais "Atomic" et "Call me" en pleine période médecine, enfin le temps d'être recalé aux examens.
Je n'ai jamais trouvé de best-of remastérisé digne de ce nom. Les quelques compilations écoutés sont nulles au niveau son.
Dommage.
bravo encore pour votre blog si éclectique et votre style que je jalouse, si, si. -)

cc,
un disciple qui envie votre dextérité de style littéraire et qui s'adonne avec moins de brio et moins de régularité depuis un an à un blog à finalité un peu identique à la vôtre.
Bonne continuation.