Etienne Daho, jamais aussi bien
Les critiques sérieux doivent s’abstenir d’employer les adverbes jamais et toujours. Donc n’hésitons pas : jamais un disque d’Etienne Daho n’a été aussi beau que L’Invitation, qui sortira début novembre. Jamais sa voix n’a été aussi proche, jamais il n’a été aussi fièrement en apesanteur entre dépression et félicité, jamais il n’a été autant en harmonie avec l’orchestration de ses chansons (David Sinclair Whitaker lui-même). On en reparlera, évidemment.
Et puis il y a avec l’album un petit disque de cinq reprises en anglais : Little Bit of Rain de Fred Neil, I Can’t Escape From You d’Hank Williams, Cirrus Minor de Pink Floyd, My Girl Has Gone de Smokey Robinson, Glad to be Unhappy de Rodgers et Hart. Merveilleux accent français, choix superbe, références lettrées et étourdissantes (il faut comparer son Little Bit of Rain valeureux et sensuel, avec celui de Karen Dalton, déchiré et agonisant, deux états de l’âme si opposés et révélateurs…), arrangements à des sommets de richesse. Dans l’exercice de la reprise frenchy, je crois que je n’ai jamais (encore jamais !) été séduit à ce point par la cohérence et le goût d’un regard sur le bagage anglo-saxon : de Broadway au prog-rock, du folk urbain à l’apogée de la soul… Nous ne sommes pas encore à Johnny Cash chantant tout ce qu’il aime dans les albums American (Daho a au moins trente ans devant lui, avec son ventre plat et sa vie saine), mais il y a une sorte de souveraineté dans l’approche qui me touche beaucoup. Il semble chanter ce répertoire comme Brassens chante Mireille et Jean Nohain ou Charles Trenet, avec plus de connivence que d’engagement, plus de mémoire de soi-même que de révérence aux grands modèles, et sans rien céder nulle part à la tentation de l’imitation.
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