Urban Sax, un indice du déplacement du monde
Discussion avec Gilbert Artman d’Urban Sax, qui en vient au curieux déplacement du sens et de la polarité du geste artistique. A leurs débuts, leur irruption dans l’espace public, leurs concerts sur des parkings ou dans des friches industrielles ont forcément un contenu politique, de manière immédiate et flagrante. La prise du monde par l’art, l’enchantement forcé du tissu urbain, tout cela est un combat qui fait tout autant sens que l’hirsute liberté du free jazz, que le vacarme acéré des alternatifs, que la longue marche loin des villes des babas radicaux.
Si certains ont fait – ou laissé – évoluer leur art vers des formes plus marchandes ou plus amicales aux oreilles, Urban Sax n’a guère changé de musique, d’ambition, de vision artistique. Mais tout le reste a migré : les mêmes saxophones sur le même parking méritent aujourd’hui l’invitation du Conseil général, avec petit espace VIP pour les invités des entreprises partenaires. Les arts de la rue, l’événementiel, les outils de la symbolique politique, la « noblesse » relative des divers espaces urbains ont tellement évolué que, comme le note Artman, les politiques veulent « offrir aux habitants sans souci de ce qui sera montré. C’est un spectacle, alors qu’à l’époque nous n’agissions pas dans une perspective de spectacle. »
Il est peu de cas aussi purs du glissement foncier des révolutions artistique vers le « confort » et le « conformisme », comme dit Artman. Car j’ai souvenir des papiers sur leurs concerts, de leur musique, de leur environnement idéologique et artistique, et il faut bien admettre qu’à peu près rien n’a changé, sinon la lecture de leur travail – ou plutôt le fait que la lecture de leur travail se cantonne à son niveau récréatif.
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