Le nouveau modèle économique : le contre-exemple Radiohead
Le nouveau modèle économique de la musique enregistrée ressemble de plus en plus au bonneteau des rues louches – le « Où qu’est-y ? Où qu’est-y ? » du camelot, le chaland qui ramasse trois biftons sans rien comprendre, le comparse fébrile, la complicité tacite des spectateurs qui regardent le pigeon se faire plumer… On nous raconte beaucoup que l’on va trouver de nouvelles solutions, qu’il faut être inventif, qu’il faut briser les tabous de la vieille industrie et de ses CD.
Là, nouveau choc : Radiohead qui annonce que son prochain album sera téléchargeable à un prix librement fixé par ses acheteurs. Joli coup. Ça repart pour un tour de babil sur le nouveau modèle, sur les nouvelles ambitions, sur les défis formidables que l’époque nous propose. « Où qu’est-y ? Où qu’est-y ? », encore une fois.
Il reste que les « coups » de la nouvelle économie du disque, que les prémices ce nouveau modèle économique ont quelque chose en commun : l’album de Cerrone couplé avec les téléphones Samsung (premier « disque d’or digital »), Prince qui sacrifie les ventes en magasins en Grande-Bretagne pour mettre son CD dans un journal, Madonna qui réserve son single à un opérateur de téléphone, Paul McCartney qui sort son album dans les cafés Starbucks, Manu Chao qui vend Sibérie m’était contéee dans les kiosques à journaux… Tout cela ne concerne que des artistes qui ont explosé au temps du vieux modèle économique, qui ont imposé nom, image et back catalog à l’époque du CD vendu à la tonne.
Et c’est peut-être ça qui rend toutes ces démonstrations peu convaincantes : sans les millions de CD vendus d’OK Computer, Radiohead aurait-il cette puissance aujourd’hui ? sans trente ans de commerce du vinyle et du CD, Cerrone pourrait-il contourner les règles auxquelles il s’est si longtemps soumis ?
(Je me souviens des singles de Radiohead à l’époque de Kid A, sortis tous en trois ou quatre versions avec des bonus et des remixes différents, et des pochettes avec variantes selon les pays, pour tondre le fan « complétiste ». Ça, c’était la belle époque du racket par le CD. Mais maintenant, Yorke parle d’un nouveau rapport avec le public. C’est gentil.)
On revient à la polémique David Bowie d’il y a quelques années, lorsqu’il parlait de la mort du droit d’auteur : cette posture militante est-elle tenable lorsqu’il s’agit de construire une carrière, d’investir sur un pari esthétique ? Prétendre que le droit d’auteur n’a plus de sens, n’est-ce pas précisément le propos d’un artiste qui a construit sa prospérité et sa liberté artistique sur des lustres de droits d’auteur méticuleusement perçus ?
Le nouveau modèle économique tel que dessiné là convaincrait s’il parvenait à fonctionner sans s’appuyer sur l’univers ancien. Mais là, on ne voit toujours rien venir qui puisse refabriquer de la richesse. Cette bonne vieille richesse qui a installé le panthéon que l’on révère, toutes générations confondues.
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