mardi 5 février 2008

Céline Caussimon contre le sens de la marche

Céline Caussimon n’est pas dans le sens de la marche. Elle le chante dès le titre d’ouverture de son DVD, En public à l’Olympic Café et il n’y a guère besoin d’une plus longue étude de marché. Elle appartient à ce monde qui ne regarde pas la télévision, non par manque de temps mais par clair désir d’y échapper. Elle appartient à ce monde qui éteint la radio lorsqu’arrivent les nouvelles du CAC 40. Elle appartient à ce monde un peu perdu dans l’époque où ferment les bureaux de poste des villages, où la lenteur est devenue obscène, où l’obligation de connexion est presque un impératif moral. Ce n’est pas seulement qu’elle soit la fille de Jean-Roger Caussimon qui l’a ancrée dans la chanson poétique rive gauche : c’est une humaniste aux mots sévères, une éditorialiste obsédée de beauté, une inquiète qui prêche la tendresse et l’attention envers tous les hommes.
Cela n’est pas vraiment le sens de la marche, aujourd’hui dans la chanson commerciale. Alors elle reste au dehors, comme un certain nombre de ses confrères et consœurs, naviguant de petite production et petit lieu. Leur conspiration de rebelles du verbe donne souvent de beaux fruits, comme le précédent album de Céline Caussimon, Le Moral des ménages, et son présent DVD. Des fruits volontiers candides, donquichottesques, dérisoires face au grand torrent des productions culturelles qui adoptent le sens de la marche. La question n’est pas circonscrite à l’expression explicite d’un certain refus, d’une certaine résistance : dans sa manière de chanter, dans ses arrangements mi-Bobino mi-Portal, dans son écriture pointilleuse, elle dit peut-être encore plus qu’en vilipendant l’âge digital et la malbouffe. Quelque chose de franciscain et de gandhien plus que du Cohn-Bendit ou du Renaud, une sorte de bulle hors du temps mais le regard braqué sur l’époque. Certes, elle sonne plus années 50 que chanson de fille contemporaine, mais son enracinement est franchement au présent. La parole d’un certain désarroi en même temps qu’un geste artistique puissant, comme la confirmation du fait que la chanson sait toujours être libre.

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