vendredi 15 février 2008

Leonard Cohen, Philip Glass, la gravité et la légèreté

Il y a des disques dont on ne sait pourquoi ils passent aussi inaperçus. Pourtant Book of Longing aurait tout pour éveiller un intérêt excité : « A song cycle based on the poetry and images of Leonard Cohen », signé de Philip Glass (chez Orange Mountain Music-Codaex). La rencontre à elle seule serait un sujet de film : deux révolutionnaires des années 60 croisant leurs inspirations au bout de décennies de route, deux juifs bouddhistes écrivant sur l’amour et la spiritualité…
Glass a sainement évité d’écrire des chansons à la Cohen. Son lexique et sa syntaxe restent les mêmes, avec les oppositions de la flûte et d’un ostinato des cordes, avec les écarts si significatifs de ses cordes et son goût pour le sprechtgesang féminin, ses motifs mélodiques romantiques tronqués et répétés ad lib… Mais le matériau poétique et surtout son sens semblent le conduire à un curieux mélange de gravité et de légèreté, comme si faire chanter des textes aussi proches de lui – j’imagine, j’extrapole – enlevait sa solennité habituelle à sa musique.
Quand Leonard Cohen intervient, c’est avec un détachement du même ordre : sa foi affichée, la solidité de ses doutes pleinement assumée, la limpidité de ses choix franchement revendiquée… et une sorte de grâce souriante, aussi radieuse que discrète. Ce « livre du désir » en deux CD ressemble peut-être plus à l’homme que j’ai rencontré il y a quelques années à la sortie de Ten New Songs qu’au moraliste désenchanté ou à l’hédoniste incertain des années 70. Il semble à la fois sur son quant-à-soi et pleinement sûr de lui, détaché et plus présent.
Curieusement, c’est une posture qui semble être non seulement celle d’un Leonard Cohen de soixante-dix ans, mais aussi celle d’un Leonard Cohen désiré, fantasmé, projeté, comme celui d’Henk Hofstede et de l’Avalanche Quartet vu l’été dernier aux Tombées de la nuit à Rennes. Un Leonard Cohen sage et malicieux, serein et turbulent.

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