vendredi 15 février 2008

Les cent jours de Portishead

Conversation mardi avec Goeff Barrow et Adrian Utley de Portishead, à propos de la sortie prochaine de Third (disque impressionnant dans ses constructions sonores, presque plus tenté par la réconciliation avec le prog rock que par la perpétuation du trip hop). Pourquoi dix ans sans nouvel album ? A cause du succès, expliquent-ils en substance. Deux albums, deux tournées, quelques événements exceptionnels, avec pour finir deux divorces, l’épuisement moral et nerveux, le vide, des années sans pouvoir faire de musique – enfin une musique qui vaille pour Portishead.
Adrian a son bon sourire carnassier quand je lui fait remarquer qu’ils agissent comme s’ils ne voulaient absolument pas – ou plus – devenir des stars. « On ne pourrait pas faire ce qu’il faut », dit Goeff.
Ils ont donné cent jours à la maison de disques (Barclay-Universal pour la France). Cent jours pour la promo et la tournée, alors tant pis pour les Etats-Unis ou la Pologne, tant pis pour les dizaines de médias qui frappent à la porte et n’auront rien. A peine vingt-quatre heures à Paris, puis Berlin, à la maison pour des tournages, de la promo en Europe continentale encore, la tournée à partir du 26 mars… Et le 29 mai ce sera fini.
J’aime bien cette manière de se concentrer sur l’essentiel, de préserver des temps aux choses… Même si au bout du compte je trouve ce jeu-là assez coupablement malthusien. J’espère qu’ils filmeront un beau DVD.
J’ai un curieux souvenir avec Portishead, à propos. Nous étions dans les tournées de Dummy, peut-être en prévision de leur deuxième passage en France, ou alors pour la sortie de l’album Portishead, je ne me souviens plus. J’arrive au Royal Monceau. Attachées de presse, salut à mon confrère des Inrocks. Celui-ci voit arriver Goeff. Poignée de main. Qu’est-ce que tu fais là, tu viens m’interviewer ? Ben non, je suis venu voir Beth. Ah bon elle fait de la promo, maintenant ?
Enervement, sur le mode : je me tape toute la promo parce que madame dit qu’elle ne supporte pas d’en faire, et alors que je fais dix interviews par jour, elle prend dans mon dos des rendez-vous discrets avec des journalistes classe et se prélasse le reste du temps ? Il s’est assis. Il s’est relevé. Il s’est rassis. Il est parti.
On avait l’air con, au bar du Royal Monceau, à le regarder partir. On a su plus tard qu’il est allé se calmer en achetant des disques sur les Champs. Mais en tout cas il n’y a pas eu de promo Portishead ce jour-là. Et même, pendant quelques heures, plus de Potishead du tout. Je comprends mieux leur histoire des cent jours.

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