Le prochain Bashung revient au texte
Il y a peu d’albums que l’on attend autant, cette saison, que celui d’Alain Bashung, qui doit sortir le 25 mars chez Barclay-Universal, semble-t-il sous le titre Bleu pétrole. Après les lueurs obliques, les crissements et les ellipses de L’Imprudence (2002, quand même !) et de la « Tournée des grands espaces » qui avait suivi un peu plus tard, cela va être un choc troublant : Bashung revient au texte, aux valeurs de la chanson explicite, aux mélodies commandées par le sens.
Pour l’écriture, il a travaillé avec Gaëtan Roussel et Gérard Manset – deux générations, comme le symbole d’un passage entre les précurseurs éternellement marginaux des années 60-70 et la gloire sereine de la nouvelle scène.
Donc, trois premiers titres assez acoustiques : Je t’ai manqué, comme pour installer les retrouvailles avec la voix moirée de Bashung, Résidents de la République, le premier single, chanson la plus diagonale de l’album sous la limpidité du discours amoureux, Tant de nuits, une bashunguerie presque littérale d’Arman Méliès et Joseph d’Anvers. Puis déferle l’énergie d’Hier à Sousse, dans lequel on retrouve une des forces de Louise Attaque, son énorme puissance de feu acoustique. De Roussel aussi, plus loin dans l'album, Trapèze, superbe fable aussi conjugale qu’amoureuse (« On dirait qu’on sait lire sur les lèvres/Et que l’on tient tous les deux sur un trapèze (…) On dirait que les pirates nous assiègent/Et que notre amour c’est le trésor/On dirait qu’on serait toujours d’accord »). Et puis Le Secret des banquises, dans lequel il écrit comme un Jacques Lanzmann pour Jacques Dutronc. Sur ce disque, on se rend bien compte que Gaëtan Roussel est là, avec ses guitares acoustiques fébriles, son sens de l’avancée, du mouvement, de la course.
Par comparaison, les titres de Gérard Manset ont quelque chose de cérémoniel : Vénus, son vocabulaire savant et ses arrangements rêveurs et vaguement méditerranéens ; Comme un Lego, qui dure neuf minutes, dans lequel Bashung se fait très docile par rapport à la métrique de Manset, tout en amenant peu à peu la mélopée vers une déchirure moins théâtrale que folk ; Je tuerai la pianiste, avec une hargne désespérée, les plus lourdes guitares électriques de l’album et aussi une solide rythmique de guitare acoustique. A la fin de l’album, Il voyage en solitaire, dans lequel il ne peut se défaire des contours de l’interprétation canonique de Gérard Manset.
Avec Manset et Roussel, Bashung revient à la mélodie, à la chanson chantée (l’anti-Osez Joséphine, ligne de chant impossible à reprendre sous la douche), à l’arrangement construit autour du texte. Moins d’abstraction, moins d’énigmes, moins de décrets jetés avec les grands gestes du poète devant son vaste chaudron.
Et puis une reprise du Suzanne de Leonard Cohen avec le texte français de Graeme Allwright, en version mid-tempo électro, comme pour confirmer une généalogie souvent sous-évaluée.
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