Avec Patti Smith dans son expo
Longue conversation avec Patti Smith, mardi matin dans son exposition en cours d’installation, à la Fondation Cartier, en compagnie de ma consœur Farah Nayeri de Bloomberg. Evidemment, la conversation en vient implicitement à l’échelle des valeurs entre ses différentes activités d’artiste et elle s’affirme d’abord écrivain. « J’ai assez étudié, assez travaillé, assez écrit – même de choses inédites – pour que je me dire écrivain. Mais je ne pouvais pas le faire quand j’avais vingt ans. » Poète ? « Se dire poète... J’écris de la poésie. J’en ai publié et il y en a beaucoup qui n’a pas été publiée. Mais je ne me suis pas dédiée, donnée tout entière à la poésie. La poésie est un dur combat. Je ne me dirais pas photographe non plus. Mais je prends des photos. Je ne suis pas techniquement douée. Techniquement, je ne suis pas un grand écrivain, j’ai des problèmes de grammaire, d’orthographe. Je n’écris pas aussi vite que si j’étais techniquement douée. Tout ce que je fais vient d’un combat – à part la scène. »
Les dessins qu’elle expose sont éblouissants, saturés de références, de renvois, de rappels – le trait d’Antonin Artaud et de Henri Michaux, les couleurs de Willem De Kooning… Il y a ce portrait à vingt ans d’elle et Mapplethorpe – « nous étions jeunes, frais, timides, empotés, nous nous découvrions nous-mêmes. »
On regarde peut-être plus une trajectoire qu’une œuvre arrêtée. Les œuvres valent pour leur poids de mémoire, pour leur faculté à garder l’empreinte de l’instant et en même temps à trouver une intemporalité rigoureuse. Elle revendique son ambition d’exemplarité, son désir de donner envie de produire de l’art.
En même temps, elle expose « des objets que je veux partager avec les gens : une carte d’Arthur Rimbaud, une édition originale à compte d’auteur d’Une saison en enfer, des lettres de Robert Mapplethorpe, un dessin de René Daumal – des choses que je possède, précieuses ou humbles. » Et puis une photo qu’elle a prise à Milan de la Cène de Léonard de Vinci face à un calice africain en bois
Le partage, l’échange, une manière d’offrande, quelque chose qui renvoie autant aux poètes anciens qu’aux punks, dans la façon de dire la vie entière comme œuvre revendiquée – ou tout au moins assumée. Peut-être la présence la plus pertinente de l’idéologie punk dans l’institution.
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