Retrouver Pierre Louki
Défendre Pierre Louki n’a pas toujours été facile. Il disait volontiers qu’il n’avait jamais pris la chanson au sérieux. « Qu'on me dise que je suis un bon chanteur, ça me fait rigoler. Qu'on me dise que je suis un bon auteur, alors là je suis content. C'est un peu ridicule mais, quand je tournais dans les circuits un peu perdus à la campagne, je ne supportais pas qu'on annonce : « et maintenant le chanteur Pierre Louki » – un cabotinage d'auteur, peut-être. »
Et puis une sorte d’anhédonisme professionnel chez un chanteur fou de course à pied. Il m’avait raconté : « Dans les cabarets, j'étais bien vu par les autres artistes : alors que tout le monde se battait pour passer en dernier, moi j'étais volontaire pour passer le premier, pour pouvoir rentrer me coucher et être en forme pour l'entraînement à sept heures. J'ai souvent chanté devant deux ou trois spectateurs... »
A sa mort, fin 2006, nous n’avons pas été nombreux à saluer son départ. Mais j’ai toujours eu une telle tendresse pour le fabuliste, pour le fantaisiste, pour l’oiseau triste, pour l’éternel orphelin riant avec des brins de laine sous une table de cuisine. La rubrique mondaine de la chanson le voyait surtout en ami de Brassens, en dilettante Rive gauche, en auteur mal compris des années 50-60. Je suis convaincu qu’il y a beaucoup plus dans son écriture, voisine de ce que peut dessiner Sempé : une gravité qui cherche à se faire légère, une noirceur si bien ancrée qu’elle sait échapper au sérieux…
Frémeaux sort en DVD son concert de l’Européen en 2004, des concerts qui furent mi-adieux, mi-retrouvailles. Il faut aller y voir, apprendre à s’attacher à une des plumes les plus astucieuses de la chanson française.
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