REM et le plafond de verre des Beatles
Conversation vendredi avec REM, ou plutôt trois conversations séparées avec Michael Stipe, Peter Buck et Mike Mills, comme ils le font toujours. On les sent confiants, évidemment, tant Accelerate (qui sort le 1er avril) est un album puissant, fervent, riche de tout ce que l’on espère encore et toujours du rock (« back to the basics ? », demandé-je à Mike Mills, « forward to the basics », répond-il avec un jeu de mots assez signifiant).
Avec Peter Buck, discussion sur la position dans l’histoire. Il fait remarquer que sa génération joue de la musique pour ça : il y a des références, des stars, des admirations et l’on ne fait que s’y mesurer. Mais, surtout, « dans le meilleur des cas, on ne peut être que numéro 2, derrière les Beatles ».
Combien de temps cela durera-t-il ? Maintenant qu’Oasis s’est installé en tête du classement de Q du best Bristish album ever, leur règne peut-il avoir quelque chose de commun avec celui des Beatles, avec la supériorité absolue d’une œuvre et d’une aventure artistique dans l’histoire de la culture occidentale ? Comment faudrait-il faire pour les dépasser ?
La question n’est pas musicale ni même vraiment culturelle. Le statut des Beatles comme origine et sommet de la musique populaire n’est pas une domination objective : en nombre de singles dans les charts, en nombre de citations dans la presse par an, en toutes les quantités possibles, ils sont ou seront dépassés (et peu importe au fond que le mot beatles dépasse « jesus christ » à google fight, là n’est pas la question). Est-il possible que la référence permanente et ultime aux Beatles soit un jour remplacée par une autre, dans son usage écrasant et consenti ? Un peu comme la Shoah est le joker de toute conversation sur les droits de l’homme, un peu comme « et si on faisait la même chose à ton enfant ? » sert à toutes les conversations sur la peine de mort, les Beatles peuvent clore, annuler ou dévier toute discussion (collective ou intérieure, comme chez Peter Buck les voyant comme plafond de verre de ses ambitions) sur la musique populaire. Est-ce parce qu’ils sont la matrice de ce que nous appelons « succès » de nos jours : la puissance artistique et la réussite commerciale, d’un seul geste ?
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