Kana et l’horizon perdu de l’authenticité
Les Fous, les Savants et les Sages, le nouvel album de Kana sort ces jours-ci, avec ses couleurs évidemment fumigènes et son folklore trans-tropical. Reggae et latinités « comme là-bas » qui font réaliser, rétrospectivement, combien ces musiques-là ont mis de temps à s’implanter en France. Et se pose la bonne question de l’authenticité – ou plutôt de la perte absolue de pertinence de cette catégorie-là. Donc, Kana joue un reggae que l’on pouvait dire authentique il y a quelques lustres, avec tout bien en place, le son parfait, le bon accent des cuivres, la rythmique impeccable, et même deux ou trois variantes puissantes (le talking drum sur Tous les mêmes, par exemple). Mais, entretemps, la question a fini par ne plus intéresser personne : il ne sert plus à rien de jouer parfaitement le reggae, tout au moins politiquement ou éthiquement. Et Il faut danser reggae par Dalida perd de son venin (la « récupération », le dévoiement, la prostitution d’une musique du tiers-monde, tout ça…) à mesure que la mocheté de la chanson apparaît sans fard (la rythmique de requins franchouillards, mon Dieu !), par comparaison avec l’environnement grand ouvert dans lequel nous vivons. Alors quand U Roy (le U Roy !) chante avec Kana (sur Méthadone), on ne prend plus l’événement comme un adoubement ou une garantie d’authenticité. Serge Gainsbourg et Bernard Lavilliers ont enregistré à Kingston pour cette raison-là : en allant aux sources, ils détournaient les attaques venant du camp tiers-mondiste. Maintenant, ils pourraient enregistrer en France, comme Kana. Et U Roy.
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