lundi 28 avril 2008

Les romances de la famille Gado, monuments en voie de disparition

Le label Takamba, créé par le Pôle régional des musiques actuelles de La Réunion, mène depuis des années une politique exemplaire dans l’exploration patrimoniale (pourquoi n’en existe-t-il pas l’équivalent aux Antilles ?). Il y a ces disques impeccables sur Alain Peters, sur l’ile Rodrigues, sur Charlésia des Chagos, sur des noms oubliés de la variété réunionnaise des années 50-70… Son magnifique, livres-disques exemplairement réalisés.
Voici maintenant la famille Gado, dans un répertoire de romances et de maloyas. Les romances rappellent la genèse européenne ancienne d’une bonne part de la culture créole. La Grande Reno, par exemple : « La grande Reno sortie en guerre/En revenant son tripe dans son bras », qui vient directement du « roi Renaud revient de guerre/Portant ses tripes dans ses mains » de la tradition française la plus verticale (trajectoire trouvères-Cora Vaucaire presque directe). Et ici ou là ce qui semble des lambeaux d’autres chansons de la même humeur, puis à la fin de la romance, des paroles adressées par le défunt aux vivants. Evidemment, c’est la même eau que les romances de Rodrigues comme le magnifique Tu as raison Milien (« Tu as raison Milien/Tout mon ami fidèle/Je chante alors adieu/Voici mon seul bonheur/Hélas tu dois partir hélas/Embellirait ma présence/Je vais triste, aimer/Pour faire penser z-à toi »), qui se présente sous la forme de lambeaux épars mais toujours signifiants d’une ou plusieurs sources érodées par le temps.
Débris ou monument ? Toujours la même question, lorsque l’on voit s’évanouir une part de culture, lorsque l’on voit s’interrompre une transmission. Ce que l’on entend dans les collectages Alan Lomax au tout début des années 60 : la fin du créole francophone à Trinidad, le début de la fin de la haute-taille à la Martinique, les dernières romances venues de France chantées à Saint-Barthélémy…
Il y aura quelque chose à écrire sur la figure culturelle populaire métropolitaine (les chants, les danses, les contes, les proverbes) et sa plus ou moins vivace survie en terre créole : sa valeur plus ou moins normative, son rapport à l’autonomie culturelles des populations les plus isolées géographiquement ou socialement, le mystère de la survie du quadrille en Guadeloupe, île pourtant plus rétive au pouvoir central que la Martinique qui a abandonné la haute-taille…

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