Kent, Fred Pallem et le futur antérieur
L’effet de futur antérieur est toujours intéressant dans la narration. Kent sort un livre-disque qui fonctionne tout entier sur ce procédé, L’Homme de Mars. Il chante, écrit et dessine (c’est une BD et dix-sept chansons) : « J’ai la nostalgie de l’avenir/Je cherche un futur où revenir/Un monde en apesanteur idéale/Dont je serais l’étonnant résident sidéral ».
Le graphisme, entre Druillet et David B., cumule les petits signes discrets d’une modernité ancienne, d’un rêve déjà daté de futur indéfini, comme si l’on rêvait encore de l’an 2000. Métaphorisation classique de notre quotidien par la distorsion de nos repères – mais une distorsion que l’on connaît déjà bien.
Les textes des chansons ont cette même manière de rêvasser le futur sans sortir des schémas et des couleurs pratiqués depuis belle lurette, un peu comme, à l’époque de Futur-Fiction-Fantastique de Guy Béart, on décrivait l’avenir qui menaçait au plus près.
On peut bougonner que Kent a souvent, très souvent, procédé par telle imprégnation de lieux communs. Il en a résulté ici et là des albums contestables, mais celui-ci trouve une grâce qui – avouons-le – m’étonne. Fred Pallem a-t-il fait l’essentiel de cette séduction ?
En tout cas une bonne partie du chemin : celle qui transforme la banalité en brio, en manifeste, en décret virtuose. Comme dans les albums du Sacre du Tympan (le dernier, notamment), le franc sourire carnassier dans le remploi de solutions instrumentales éculées des années 60 les transforme en couleurs actuelles. Et tout est si bien référencé par le travers (on pense à la Position du Tireur couché ou aux défunts Matchboxx) que l’on adhère forcément. Le poids de clichés et de redondances du travail de Kent s’en trouve dès lors presque annulé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire