Scarlett Johansson chez Tom Waits : la distance et la fêlure
Il court de jolis bruits sur l’album de Scarlett Johansson reprenant des chansons de Tom Waits : la belle dans les atours de la bête, des séductions imprévues, une vision musicale très indépendante des originaux… Une fois écouté l’album Anywhere I Lay My Head (qui parait en mai chez Warner et que j’ai pu entendre, justement, chez Warner), l’impression est au-delà de la confirmation de la rumeur : il y a là un album magnifique, sans doute plus singulier qu’on aurait pu l’imaginer.
Evidemment, il n’est pas indifférent qu’il ait été réalisé par David Andrew Sitek de TV on the Radio – une sorte d’excentricité viscérale, les valeurs instinctives du blues et du folk par une psyché arty et le goût des matières synthétiques. Scarlett aborde par exemple I Don’t Want To Grow Up à l’exact opposé de la version virginale blessée de Petra Haden avec Bill Frisell, mais presque aussi loin de la rage désordonnée de l’original de Tom Waits : elle y met une sorte de trouble têtu, de subtil malaise contemporain, distancié et narquois – un peu comme Pet Shop Boys chanteraient Summertime.
On attendait une voix de glamour et de formes ; on y entend une vie plus drue, plus têtue, plus réelle. Ce n’est pas pour autant un disque vériste et étalant ses entrailles. Au contraire, même, la producteur tend à désincarner la voix. Mais Scarlett Johansson, tout en préservant sa hauteur de star, fait œuvre de fêlures, d’incertitudes, de biais. On pense parfois à Stina Nordenstam ou Anja Garbarek, évidemment, pour la position extravagante, mais avec un tel quant à soi qu'on songe un instant à Greta Garbo.
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