Inutilité de Joe Houston
Joe Houston est un saxophoniste malin venu du jazz qui a épousé dans les années 50-60 toutes les modes et les vagues successives qui, entre rhythm’n’blues et rock’n’roll via twist et surf, a enregistré des tralées de disques à danser en faisant plein de bruit avec son biniou. Mal réédité en CD mais loin d’être rare. Franchement amusant.
Et puis il y a un nouveau Joe Houston, boucles d’oreilles, débardeur blanc et chaîne bling-bling, qui a enregistré Te cracher dans la bouche, machin r’n’b contemporain à caractère pornographique. Je ne veux pas faire mon vieux crétin, mais j’aimais mieux la pornographie d’avant. Par exemple, Les Nuits d’une demoiselle créé par Colette Renard sur des paroles de Guy Breton (que chante ces temps-ci Marie Dauphin dans son joli spectacle), même si c’était le dessus du panier du cul lettré.
En revanche, cette vidéo pour laquelle j’ai déjà reçu trop de mails avec lien est peut-être un de ces objets qui tendent à confirmer la théorie assez réac de l’affaissement esthétique général. Il n’y a pas grand-chose à redire à la production visuelle du clip, résultante de l’accessibilité d’un matériel et des logiciels convenables à très bas prix. Les films pornos ont été moches si longtemps que la vulgarité n’a plus comme signe la crudité des lumières, l’épaisseur du grain ou la maladresse des cadrages. Ce qui est assez répugnant chez ce Joe Houston, c’est l’alliance du douceâtre r’n’b et de la crudité du texte et de ses intentions. Une complaisance sans nuances dans la vacuité du sexe, qui est peut-être plus inquiétante, pour la psyché de ce jeune homme et de son public, que l’abstraction du hard. La posture du hard est toujours une sorte de découpe dans le réel : l’acte lui-même et ses variantes, sans prétendre s’en écarter pour d’autres raisons que décorative. Ici, il n’y a rien de tel, mais seulement les mots du hard alors que la musique a toujours servi à médiatiser l’acte sexuel – dans le blues ou dans Je t’aime moi non plus.
C’est pourquoi la série de 33 tours Copulating Blues, parue dans les années 70-80, était si ennuyeuse, d’ailleurs : une fois qu’on avait saisi tous ces « fuck » et tous ces « cunt » enregistrés dans les années 20, on n’avait plus guère que l’impression d’un blues appauvri, appauvri par le surcroit d’explicite. Et, là, cela fonctionne pareillement. Dans ce clip, on ne voit pas de bite, mais assez de fesses, de seins, de langues et de positions pour pouvoir amplement se passer de la musique de Joe Houston. La clarté du texte et du clip sont telles que l’un comme l’autre sont inutiles. Bien fait.
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