mercredi 8 août 2007

Scott Walker : musique puissante, procédé crétin

Le 25 septembre sortira And Who Shall Go To The Ball ? And Who Shall Go To The Ball ?, musique de ballet écrite par Scott Walker. On y trouve un souffle à la Stravinsky dans une écriture contemporaine, qui renvoie plus à la matière sonore de Tilt (1996), avec son sombre hédonisme, qu’à celle de The Drift (2006). Quatre mouvements, à peine plus de vingt-cinq minutes et une singulière alliance de densité et d’espace, de faconde musicale et de dépouillement sonore. Si le monde était comme je le souhaite, j’interviewerais Scott Walker pendant des heures et j’écrirais des pages sur cette petite œuvre vraiment riche.
Ce qui me fait rire, aujourd’hui, c’est à quel point la sortie de ce disque peut être anachronique. Je cite le communiqué : « A noter que cette œuvre, à ne pas mettre entre toutes les oreilles, sortira en édition grand luxe, limitée à 5000 exemplaires pour le monde, et ne sera jamais repressée, conformément à la volonté de son créateur. » Je passe sur le « à ne pas mettre entre toutes les oreilles », qui sous-entend (comme d’habitude) que la musique contemporaine est faite pour des êtres structurellement différents, seuls capables d’absorber des éléments culturels d’une essence et d’une puissance inaccessibles au commun. Moi, c’est plutôt Travis et Coldplay que j’ai du mal à absorber. Mais, passons.
Ce qui me fait rire, donc, c’est cet appel presque explicite au piratage. Il est dit clairement que si l’on n’achète pas And Who Shall Go To The Ball ? And Who Shall Go To The Ball ? dans les jours ou les semaines suivant sa sortie (et l’« édition grand luxe », je pense que ça ne fera pas le CD à 4,99 €), il sera trop tard et on pourra en faire son deuil. Connerie.
Si l’on veut sauver le CD, ce n’est certainement pas en le rendant inaccessible que l’on y parviendra. Il faut le rendre attrayant et accessible, au contraire. Il lui faut des singularités rares, nouvelles, audacieuses, jolies, que sais-je. Mais qu’il soit toujours disponible, proche. S’il est plus difficile d’acheter un disque que de voler la musique qu’il contient, ce n’est pas la peine de prétendre vouloir la fin du piratage de masse ; a fortiori s’il est impossible d’acheter le disque. A 5000 exemplaires disponibles pour le monde entier, cela signifie qu’une fois que tous les points de vente l’ayant commandé seront servis, il risque de ne plus guère y avoir de stock. Je surveillerai les informations de stock d’amazon.com avec une certaine curiosité. Donc, les petits chanceux qui l’auront acheté vont le mp3ser pour leurs copains qui n’habitent pas à la ville ou auront oublié de le précommander. Et il est difficile de dire, dès lors, que télécharger illégalement ce disque sera une vilaine chose.
Bien sûr, c’est aussi immoral de voler la musique de Scott Walker que voler celle de Britney Spears. Mais je ne sais pas si Britney Spears et sa maison de disques ont des idées aussi tordues qu’une édition définitivement limitée.

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