mercredi 1 août 2007

La simplification d’Edith Piaf

Quelques mois après La Môme d’Olivier Dahan, revoici fort opportunément Piaf je t’aime, comédie musicale que j’avais vue à sa création en 1996 au Cirque d’Hiver et que je suis allé revoir à l’Olympia. En relisant mes notes de l’époque, je retrouve ce qui m’avait gêné jadis et dont je ne me souvenais plus en sortant du spectacle hier soir : un ange gardien qui dialoguait avec Piaf et qui alourdissait l’ensemble. Mais maintenant il y a Jean Cocteau en papy câlin.
D’ailleurs, c’est amusant de voir, entre la comédie musicale et le film, ce qui persiste et ce qui disparait de l’histoire de Piaf. Cocteau, donc, à l’Olympia mais pas dans le film, tout comme Yves Montand et Georges Moustaki. En revanche, Raymond Asso et Jacques Pills ne sont développés que dans le film et Charles Aznavour n’est nulle part. A la mort de Cerdan, on entend L’Hymne à l’amour dans le film (enfin, je crois) et Mon Dieu dans la comédie musicale. La jeunesse sur le pavé est portée par Les Mômes de la cloche dans le film, par Comme un moineau dans la comédie musicale…
Ça n’est pas innocent, évidemment. Chez Dahan, il ne s’agit que de faire pleurer Margot – et la matière est là ! Il y a peut-être plus d’envie de tisser les liens entre les univers dans la comédie musicale : que l’Amérique soit vraiment américaine, que l’atmosphère Moustaki (au demeurant assez curieuse, pour le moins) soit vraiment autonome par rapport à Cerdan, par exemple. D’ailleurs, on réalise combien il est possible de parler de Piaf sans appuyer encore sur le pathos ; mais combien, aussi, les relations de son œuvre et de sa vie enferment toute représentation dans quelques lieux communs imparables. Ainsi, comment ne pas comprendre La Foule comme une panique de la femme Piaf elle-même ? Comment échapper à La Vie en rose ?
Puisque je parle souvent ici de l’usage que l’on fait des artistes et de l’imprévisibilité de la mémoire, je n’ai pas l’impression que l’on puisse échapper, à terme, à l’installation d’Edith Piaf dans un portrait simplifié, une biographie simplifiée, un répertoire simplifié. Je me demande si, dans quelques années, on pourra faire sortir le regard de l’abrégé « officiel », évoquer des biais, des diagonales, des éléments inattendus de son histoire et de sa discographie – sa période Francis Lai, par exemple, ou la noirceur de son combat contre ses consœurs (Renée Lebas, Juliette Gréco, Mick Micheyl…). Cette installation dans une lecture monochrome et univoque, cela s’appelle une canonisation.

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